Albert de Balleroy
Ami proche d’Édouard Manet avec lequel il partage un temps un atelier, Balleroy est surtout connu pour ses scènes de chasse à courre et de peinture animalière. Il expose ce genre de tableaux au Salon à partir de 1853. Autant dire que le dessin de Luc-sur-mer que nous vous présentons ici est une rareté dans l’œuvre de cet artiste normand qui à la fin de sa vie mènera une carrière politique en devenant maire de Balleroy puis député de Bayeux.
Alphonse Maugendre
S’il est un artiste normand, né à Ingouville, près de Saint-Valéry-en-Caux, Maugendre fait toute sa carrière à Paris. Si on note sa présence dès 1836 au rendez vous annuel du Salon, on ignore presque tout de sa formation artistique. Cependant, la qualité et la minutie de son travail est telle qu’elle fut forcément poussée. Nous savons que l’artiste a produit quelques peintures mais c’est surtout le dessinateur et le lithographe que nous connaissons aujourd’hui. Les nombreux dessins laissés par cet artiste voyageur et les albums qu’il publie entre 1835 et 1862 sont devenus des documents irremplaçables pour décrire les aspects pittoresques des provinces françaises à l’époque romantique et à celle du Second Empire. Ce sont 8 dessins que nous présentons ici et qui témoignent de son intérêt à la fois pour l’architecture et les scènes de bains de mer sur les côtes normandes.
Amable Boullier
Fils d’un professeur de philosophie à la faculté de Lyon, Boullier est l’élève du peintre animalier Léon Barillot et comme son maître, il vient peindre à Ouistreham des vaches sur le chemin de halage près du canal. Puis il délaisse les scènes animalières du début de sa carrière pour peindre ensuite des paysages purs. Cet artiste de l’école lyonnaise parcourt alors les Alpes, le Valais suisse mais revient régulièrement en Normandie pour peindre des tableaux exposés en général au Salon des Artistes Français.
André Giroux
Formé par son père Alphonse, lui-même élève de David, mais devenu par la suite, marchand renommé de tableaux, André GIROUX entre aux Beaux-Arts en 1821. Quatre ans plus tard, il remporte le fameux prix de Rome en paysage historique, ce qui lui octroie un long séjour de quatre années dans la Ville Éternelle où il rencontre Camille Corot. Comme ce dernier, il s’adonne aux joies de la peinture en plein air, et se laisse peu à peu influencer par l’exemple de paysagistes de l’école du Nord, aperçus aussi bien dans la galerie de son père à Paris que dans les musées. André Giroux a beaucoup voyagé, fixant aussi bien sur papier que sur toile les paysages qu’il a traversés, comme cette charmante vue de la plage de Courseulles-sur-Mer en 1874.
André Hambourg
D’origine parisienne, André Hambourg est élève de Lucien Simon à l’École des Beaux-Arts de la rue Bonaparte et participe, dès 1928, à de nombreux salons comme celui des Tuileries ou celui des Indépendants. En 1931, il visite pour la première fois la Normandie et se rend à Honfleur. C’est pour le peintre inspiré par les grandes étendues d’eau, une véritable révélation. Lauréat du prix Abd-el-Tif, en 1933, il séjourne dix ans en Afrique du Nord et voyage à travers le Maroc et l’Algérie. La guerre l’y surprend et il devient correspondant de guerre. Mais les années passées sur l’autre bord de la Méditerranée lui apprennent à travailler sous une autre lumière plus intense. La Seconde Guerre Mondiale terminée, Hambourg rentre en France et épouse Nicole, la petite-fille du docteur Rachet, ami d’Eugène Boudin. Devenu Peintre officiel de la Marine, il partage sa vie, à partir des années cinquante, entre son atelier parisien, celui de Saint-Rémy-de-Provence et la Normandie. Il passe ainsi désormais plusieurs mois par an dans sa maison d’Englesqueville-en-Auge. André Hambourg peut incontestablement être considéré comme l’un des maîtres de l’école postimpressionniste moderne. Il possède un don d’observation aigu qui lui fait trouver le trait décisif et il aime traquer l’atmosphère particulièrement changeante des bords de mer normands. En touches discontinues, ses tableaux représentent le plus souvent les plages de la Côte Fleurie, mais l’artiste n’a pas négligé la Côte de Nacre et il laisse de belles images de Luc-sur-Mer, Langrune-surMer ou Saint-Aubin-sur-Mer.
André Hardy
André Hardy est surtout connu par les amateurs d’art pour être le chantre de la Suisse Normande. Étudiant à l’École normale de Caen, il devient d’abord instituteur à Trouville-sur-Mer, puis Saint-Pierre-la-Vieille et Caen. En parallèle, il poursuit une formation artistique à l’École des Beaux-Arts. Après une triste période à Paris où il est muté avant la Grande Guerre, à laquelle il participe, Hardy regagne la Normandie. Il est nommé au collège technique de Douvres-la-Délivrande à la fin des années vingt et vit alors près de la Côte de Nacre jusqu’en 1943. Il crée alors de superbes affiches pour les stations balnéaires de Lion-sur-Mer ou de Saint-Aubin-sur-Mer, mais aussi de nombreux dessins publicitaires pour des revues ou des plaquettes locales. Après un dernier poste à Rouen (1943-1947), Hardy se retire à Clécy et pendant encore quarante ans ne cesse de peindre sa région de cœur.
André Lemaître
Né dans une famille modeste, Lemaître suit les cours de l’École Primaire Supérieure de Caen et devient instituteur à l’âge de dix-sept ans. Il peut à la fois exercer son métier et sa passion pour le dessin. Sa rencontre en 1929 avec le peintre-paysan Charles-Victorien Toutain (1899-1945), élève et ami de Jules-Louis Rame (1855-1927), est pour lui tout à fait déterminante. C’est Toutain qui introduit Lemaître dans le milieu artistique caennais et le pousse à exposer ses travaux au salon des Artistes Bas-Normands. La grande rétrospective de Cézanne à Paris, en 1936, est pour le jeune peintre une révélation, plus encore, un choc esthétique qui l’amène à changer sa manière de peindre. De tendance postimpressionniste aux couleurs douces, celle-ci devient plus solidement charpentée, avec des tonalités sombres inspirées du maître d’Aix mais aussi de Vlaminck. Peintre du terroir, de son village et des paysages de la plaine de Caen, se laissant aller parfois à peindre quelques portraits, des bouquets de fleurs ou des natures mortes, Lemaître peut aussi devenir un peintre de marines comme en témoignent les tableaux présentés dans cette exposition.
Claude Quiesse
Né à Caen, Quiesse est un élève de Louis-Edouard Garrido aux cours du soir de l’École des Beaux-Arts de Caen. Il expose dès le début des années soixante à Caen ou à Ouistreham avant de partir à l’aventure sur un bateau, en compagnie de son frère et d’un ami, durant deux années, pour un passionnant tour du monde. Puis, Claude Quiesse revient se fixer en Normandie. Commence alors véritablement son parcours artistique marqué notamment par la fascination du mouvement. Aux premières marines de ses débuts, succèdent des séries où chevaux et cavaliers imaginaires galopant sur les plages ou dans le désert, des musiciens de jazz ou des danseurs en mouvement. Puis de peintre, il est devenu un sculpteur extraordinaire pratiquant le plus souvent une sculpture monumentale. Quiesse vit et travaille à Lion-sur-Mer.
Edmond Bacot
Né à Caen, Edmond Bacot est d’abord un peintre et devient dans un premier temps élève à l’École des Beaux-arts à Paris où il côtoie sans doute Charles Nègre et Gustave Le Gray, des pionniers de la photographie primitive. En 1850, Bacot est de retour à Caen et commence à prendre une série de clichés sur les monuments de la région (Caen, Rouen, églises de la côte normande, bords de mer,…). Mais Edmond Bacot est surtout connu pour être un ami républicain de Victor Hugo, et celui qui initiera Charles Hugo en 1853 à la technique photographique. Lors d’un séjour de deux semaines en 1862 à Guernesey, il photographie les décors de la maison de l’écrivain à Guernesey, Hauteville House, et réalise une série de portraits du poète aujourd’hui recherchés.
Eduardo-León Garrido
Né à Madrid, il devient l’élève de Palmaroli (1834-1896) à l’École des Beaux-Arts de la ville. Doté d’une bourse, il arrive à Paris, en 1875, pour parfaire ses études artistiques. Son talent est vite remarqué par les marchands de la capitale (Goupil, Borniche,…) et ses portraits ou ses élégantes scènes de genre plaisent à un large public. Cette même année, c’est le marchand Félix Gérard qui conclut un contrat d’exclusivité avec le jeune peintre mais qui lui impose sans doute ses exigences en lui commandant des scènes galantes dans le goût du XVIIIe siècle. En 1892, alors qu’il a déserté Paris pour installer son atelier sur les bords de la Marne, à La Varenne-Saint-Hilaire, Garrido épouse une de ses jeunes modèles et son premier fils, Louis Édouard naît l’année suivante. Il présente à partir de 1895 bon nombre de tableaux au Salon des Artistes Français qu’il avait fréquenté jusqu’ici irrégulièrement. Au début du siècle, il vient passer ses étés à Courseulles-sur-Mer et laisse pour l’occasion quantité de tableaux et d’esquisses remarquables, aujourd’hui conservées au musée Léandre de Condé-sur-Noireau. En 1914, Eduardo-Leon obtient la nationalité française alors que deux de ses fils partent aux combats. Il continue à peindre, surtout des paysages, des portraits de membres de sa famille et des fleurs. À la fin de sa vie, alors que sa vue devient très déficiente, il se consacrera presque exclusivement à la peinture de bouquets. En 1939, Garrido et son épouse quittent la région parisienne pour venir s’installer à Caen, chez leur fils aîné. Il ne quittera plus la Normandie.
Émile-Valentin Berthélémy
Élève de son père, Émile-Valentin poursuit des études à l’École des Beaux-Arts de Paris où il fréquente les ateliers de Gustave Boulanger (1824-1888) et de Jean-Léon Gérôme (1824-1904). Puis il présente ses travaux au Salon des Artistes Français et y est suffisamment remarqué pour devenir en 1908, lauréat d’une récompense prestigieuse, le prix Raigecourt-Goyon qui récompense un paysagiste ou un peintre de marines de talent avec un spectaculaire « Coup de vent sur les côtes de la Manche ». Cette même année, il est nommé Peintre officiel de la Marine.
Fernand Fau
Dessinateur et illustrateur né à Poitiers, Fernand Fau fait toute sa carrière à Paris. Il donne en tant que caricaturiste bon nombre de planches au journal humoristique, Le Rire, très en vogue à la Belle-Époque. Fau qui utilise parfois aussi les pseudonymes Fô ou Phô est également un collaborateur du Chat Noir, célèbre cabaret montmartrois. Il gagne aussi sa vie en illustrant bon nombre d’ouvrages et réalise des commandes comme le dessin de cette Baleine échouée à Luc-sur-Mer pour la maison d’éditions Quantin qui le publie dans Vingt jours du Havre à Cherbourg ; Rouen – Basse-Seine, côtes Normandes, probablement réalisé d’après une photographie.
Fernand Herbo
Originaire du département du Nord, la famille Herbo fuit l’invasion allemande en 1914 et s’installe à Paris dans le XVIIIe arrondissement. Passionné par le dessin, le jeune Fernand suit les cours de dessin de l’école d’art appliqué Germain Pilon, avant d’entrer aux Arts décoratifs. Il participe, alors qu’il n’a que dix-neuf ans, en guise de première exposition, à la « foire aux croûtes » sur la butte Montmartre. Remarqué et encouragé, Herbo s’installe alors dans un atelier du Bateau-Lavoir et peut ensuite être admis dans les grands salons de l’époque (Artistes Français, Automne, Indépendants, et surtout Tuileries). Il se lie alors d’amitié avec Émile-Othon Friesz, le peintre fauve d’origine normande. À la fin des années vingt, alors qu’il connaît déjà le succès, Herbo découvre Honfleur qu’il ne cesse désormais de peindre. Nommé Peintre officiel de la Marine en 1944, puis professeur à la Grande Chaumière en 1948, Fernand Herbo s’installe définitivement à Honfleur après son mariage en 1952.
Franck Lehodey
Journaliste, graphiste et dessinateur, Franck Lehodey, qui vit et travaille à Saint-Aubin-sur-Mer, est notamment l’auteur de l’affiche pour le 14e Open de Paris, le célèbre tournoi de tennis de Bercy (novembre 1999). En Normandie, les bords de mer et les cabines de plage l’inspirent plus que tout. Il est le descendant direct des Berthélémy, les peintres berniérais.
Gaston Sébire
Bien que né dans le Calvados, Sébire grandit à Rouen. Il est très vite attiré par la peinture mais doit faire face à l’hostilité de son père. Il ne peut recevoir ainsi les leçons d’aucun maître et apprend son art en véritable autodidacte. À partir de 1943, il devient peintre professionnel. En 1953, il obtient le prix de la Casa Velasquez qui lui permet d’aller étudier durant 18 mois à Madrid avec en poche une bourse de l’État. Il continue durant ce temps d’exposer à Paris (galerie Charpentier, ou Salon des Indépendants). Mais l’Espagne et sa lumière l’ont influencé durablement puisque sa palette s’éclaircit et ses toiles deviennent beaucoup plus lumineuses. En 1959, il remporte l’un des prix de peinture les plus prestigieux, le Greenshields (le Goncourt de la peinture), doté de 700.000 francs de l’époque, ce qui est considérable. Sébire est devenu un peintre à succès mais n’en oublie pas pour autant sa Normandie natale. Au début des années soixante, séduit par la lumière des plages du Calvados, il ne cesse plus de le peindre et finit par acheter, en 1987, une villa en front de mer, à Hermanville-sur-Mer où il passera désormais tous ses étés. Il n’y cessera de peindre sa chère Côte de Nacre. Ce paysagiste, sensible aux atmosphères calmes et amoureux des grands horizons, laisse une œuvre absolument délicate. Peintre officiel de la Marine (1975), Gaston Sébire a été honoré de son vivant par d’importantes expositions au musée des Beaux-Arts de Rouen (1986) et au musée de la Marine (1991).
Gaudérique Grand
Ce douanier de profession, originaire des Pyrénées-Orientales, dessine toute sa vie. Il attend sa retraite et son installation à Caen, en 1956, pour se consacrer pleinement à la peinture. Il installe, dans sa maison rue d’Harcourt, un atelier et se met à peindre frénétiquement des paysages imaginaires. S’il expose un temps au Salon des Indépendants à Caen, c’est sa rencontre avec Jacques Pasquier qui lui offre une exposition personnelle à la galerie Cadomus, en 1960, qui lance sa carrière. La presse locale unanime salue cet authentique naïf qui rencontre un succès évident en vendant alors toutes ses œuvres. S’il continue d’exposer régulièrement dans la galerie en vogue à Caen, Grand montre aussi ses œuvres au Salon des Bas-Normands, à Montpellier, à Vichy ou au Havre. Il expérimente de nombreuses techniques (huile, brou de noix, aquarelle, gravure) et ne cesse de travailler. La plage de Ouistreham Riva-Bella peuplée de baigneuses nues sur fond de cabines ou encore les pêcheurs d’équilles sont des thèmes récurrents dans son œuvre.
Géo Lefèvre
Après des études classiques au lycée Malherbe de Caen, Géo Lefèvre quitte la Normandie pour Paris où il suit les cours de Gustave Moreau à l’école des Arts décoratifs. Il débute au salon de la Société Nationale des Beaux-Arts en 1897 avec une toile de facture impressionniste, « Effet de neige ». Il revient cependant très vite en Normandie et s’exerce un temps à l’art de l’affiche publicitaire pour des clients locaux. Il laisse alors de très belles feuilles marquées par le style Art Nouveau, comme celle pour l’Hôtel Moderne à Saint-Aubin- sur-Mer (1903). Son mariage, avec la fille du sculpteur lexovien Georges-Paul Patou, l’amène à s’intéresser à cet art. Il apprend auprès de son beau-père les rudiments de la sculpture sur bois. Géo devient alors un sculpteur animalier exceptionnel. De facture très classique, ses œuvres obtiennent alors de très nombreuses récompenses dans les grands salons parisiens (Médaille d’or aux Artistes Français en 1926, pour un chat en chêne patiné). Néanmoins, Géo continue de peindre, presque toujours sur le motif et ses marines, notamment celles du port de Ouistreham qu’il aime particulièrement lui accordent un certain succès chez les amateurs caennais.
Georges Lacroix
Né près de Honfleur, Georges Lacroix fait d’abord ses études à l’école des Beaux-Arts du Havre et suit les leçons de Charles Lhuiller. Ses compagnons d’atelier ne sont autre que Georges Braque, Raoul Dufy ou Émile-Othon Friesz. Mais il part à la guerre en 1914 et est fait prisonnier rapidement. Il ne sera libéré qu’en 1918. S’il vit d’abord à Paris, il vient passer l’été à Saint-Aubin-sur-Mer où se sont retirés ses parents. Il s’y installe définitivement au début de la Seconde Guerre Mondiale. Cet artiste qui travaille très lentement ne s’intéresse qu’aux paysages de son village ou de Bernières-sur-Mer. Il peint aussi des natures mortes ou des bouquets de fleurs et fait quelques portraits d’amis ou de voisins. Yvonne Guégan et André Lemaître le tiennent en grande estime et fondent avec lui, en 1948, un trio qu’ils baptisent le groupe du Bélier pour tenir tête aux peintres classiques qui dominent à Caen, et dans la région. Lacroix présente aussi régulièrement ses peintures dans les salons parisiens (Artistes Français ou Automne).
Gilgogué
Jusqu’en 1990, Gilgogué est ouvrier à la Saviem à Blainville-sur-Orne mais tous ses temps libres sont consacrés à la peinture et au dessin. Il expose régulièrement à partir de cette date dans de nombreuses galeries en France (Paris, Lyon, Rouen, Avignon et Caen) et en Europe (Allemagne, Italie, Suisse). Toutes font confiance à ce défenseur d’une figuration libre, brute et colorée. Parfois ses œuvres sont accrochées aux côtés des plus grands (Corneille, Clavé, Alechinsly, Segui, Tapiès, Picasso, Velikcovic ou Ben). Implanté à Caen où il vit et crée, Gilgogué est l’un des fondateurs du Marché de l’Art (1994-2000). Puis, il est devenu le directeur de la galerie associative Wam, place Letellier jusqu’à sa fermeture. « Ce fils spirituel de Dubuffet et de Gaston Chaissac », comme le souligne son ami Claude Quiesse, aime peindre des jeunes femmes dénudées devant les cabines de Riva ou de Courseulles-sur-Mer.
Gustave Courbet
S’il est bien inscrit dans l’histoire de l’art comme le chef de file du Réalisme, cet artiste d’origine franc-comtoise qui a beaucoup peint sa vallée de la Loue et le pays d’Ornans, se rend une première fois au bord de la mer, au Havre, en 1841. À partir de 1857, ses séjours en Normandie sont nombreux et réguliers. Courbet rencontre Baudelaire, Boudin et Monet à Honfleur en 1859. En 1866, il séjourne à Deauville chez le comte de Choiseul. L’année suivante, celle qui nous intéresse, il passe, fin août, une dizaine de jours à Saint-Aubin-sur-Mer chez l’un de ses amis qui est pharmacien, rue des Lombards à Paris : « Je suis chez Monsieur Fourquet à bon port, c’était hier, c’est un peu loin seulement, nous avons mis 5h 1/2 pour arriver à Caen, et 1h 1/2 pour arriver à Saint-Aubin…On a mis tout sans dessus dessous pour mon arrivée… Le pays n’est pas très beau. Comme plage, ce n’est pas extraordinaire… ». Courbet qui semble peu inspiré par le pays peint néanmoins quelques tableaux dont Le petit cavalier à Saint-Aubin-sur-Mer ou des marines comme celle que nous présentons ici. Il sera plus séduit par le site d’Étretat en 1869 ; les falaises crayeuses, les vagues soulevées par la tempête ou la mer orageuse semblent être des thèmes plus appropriés à sa peinture robuste et vigoureuse.
Gustave Morin
Ce peintre, originaire de Rouen, étudie, à l’École des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Léon Cogniet (1794-1880). Il expose régulièrement ses oeuvres au Salon de Paris de 1833 à 1869. En 1837, il devient directeur de l’Académie de dessin et de peinture de Rouen et à ce titre, forme de brillants élèves comme le futur peintre impressionniste Albert Lebourg (1849-1928). Morin terminera sa carrière comme conservateur du Musée des Beaux-Arts de Rouen. S’il est plutôt reconnu comme un spécialiste des scènes de genre et d’histoire, cet artiste laisse aussi de charmantes feuilles réalisées le plus souvent à l’aquarelle, des retours de marché ou des chaumières, comme cette Ferme à Langrune (1861).
Gustave Noël
Fils du peintre parisien Alexis Noël (1792-1879) dont il est d’abord l’élève, Gustave Noël, après des études à l’École des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Paul Delaroche, devient un bon peintre de scènes de genre, de paysages mais surtout de marines. Il expose au Salon de 1840 à 1880 des vues de toutes les provinces françaises qu’il aime parcourir en voyageur infatigable. La Normandie est l’une d’elles. Il s’adonne par ailleurs avec succès à la fin de sa vie à la peinture sur faïence grand feu dont il se fait une spécialité.
Jacques Bouyssou
Jacques Bouyssou grandit dans un milieu baigné dans le milieu artistique honfleurais. Son père, qui est l’ami des principaux peintres de l’Estuaire (Dufy, Gernez, Friesz, Lagar, …) finit par ouvrir une galerie, quai Sainte-Catherine. Après la guerre, Bouyssou fréquente, à Paris, l’atelier d’Émile-Othon Friesz à l’Académie de la Grande Chaumière et vit dans le Montparnasse bouillant de cette époque. À partir de 1950, les galeries (au Havre ou à Paris) lui ouvrent leurs portes et le succès ne tarde pas. Katia Granoff, la célèbre marchande qui se partage entre Paris et Honfleur, l’expose, tout comme Félix Vercel, autre célèbre galeriste de l’époque, qui présente ses toiles à New-York. En 1973, Jacques Bouyssou est nommé Peintre officiel de la Marine. Il effectue alors plusieurs missions, notamment sur « La Jeanne d’Arc», le croiseur cuirassé, et découvre alors l’Asie. S’il reste très attaché à Honfleur toute sa vie, le peintre aime aussi Grandcamp-Maisy où il possède une maison et ne pouvait ignorer, comme tant d’autres, le port de Ouisteham Riva-Bella.
Jacques Deschamps
Jacques Deschamps a grandi au musée municipal de Caen où son père était gardien et occupait un logement de fonction. C’est peu dire qu’il a baigné depuis tout enfant dans un univers artistique. Rapidement il dessine et suit, dès après la guerre, les leçons et les conseils d’Yvonne Guégan. Il n’a que quinze ans, quand en 1948, il expose pour la première fois ses œuvres à la galerie Alleaume. Après un temps passé à Paris, il rentre à Caen à la fin des années cinquante et devient l’un des piliers de la galerie Cadomus fondée par Jacques Pasquier. À partir de 1962, Deschamps devient un peintre non figuratif qui expérimente beaucoup notamment avec ses peintures cousues, association de couture et de peinture, de tissus, toiles, voire broderies traduisant une démarche originale, que son amie, l’historienne Mona Ozouf, décrit comme une « conjugaison du dénuement et de la subtilité ». Le peintre expose alors régulièrement à Paris à la Galerie Jacob. Le musée des Beaux-Arts de Caen lui rend un bel hommage en 1987 sous le titre « Au fil des transparences » . Professeur d’arts plastiques et enseignant au lycée Malherbe à Caen, il aime profondément sa région et fait son miel de la lumière de Normandie. Le Conseil Régional, présidé à l’époque par son ami Philippe Duron, lui offre une imposante rétrospective en 2007, pour fêter ses soixante ans de carrière.
Jacques Deshaies
Élève des écoles de Beaux-Arts de Caen, puis de Rouen, Deshaies finit par suivre les cours de celle de la rue Bonaparte à Paris dont il sortira diplômé. Il s’installe à Caen en 1965, et entre, quelques années plus tard, dans la célèbre galerie parisienne Drouant où il côtoie des peintres très importants. Cet artiste qui a beaucoup exposé utilise à la fin de sa vie une palette moins ocre -qui en même temps rappelait son profond attachement à la terre- mais plus bleutée. L’écrivain Armand Lanoux, son ami (prix Goncourt, 1963), aimait à dire de Deshaies qu’il était « le meilleur des fils de Courbet ». Sans doute. Mais le peintre avait incontestablement aussi regardé Cézanne et Picasso pour faire son miel de tous ceux-là. Ses paysages ou ses nus, ses autoportraits aussi, largement brossés, sont bien identifiés dans le paysage artistique normand. Deshaies, brillamment à l’aise sur les petits comme sur les grands formats, est également l’auteur de marines époustouflantes. Quant à sa cabine sur la plage de Bernières-sur-Mer, elle est devenue, comme l’atelier Terraqué, une antre indispensable de création intense.
Jacques Pasquier
Né le 9 avril 1932 à Caen, Jacques Pasquier est un artiste populaire dans notre région, toujours à la recherche d’expériences plastiques nouvelles. L’artiste s’intéresse d’abord à la bande dessinée, avant de se lancer dans la peinture. Nous sommes alors au début des années cinquante. Pasquier vit à Paris quelques années puis s’installe définitivement en 1957, à Caen où il ouvre, rue Froide, la galerie Cadomus qui devient un lieu de rencontres et d’échanges pour les artistes novateurs de la région. Jacques Pasquier diversifie également son activité -costumes et décors de théâtre, fresques, gravures ou terres-cuites-, voyage beaucoup à travers le monde où musées et galeries rendent hommage à son travail (New-York, Pays-Bas, Afrique du Sud, Australie, Maroc, Afrique noire,…). Ces dernières années, la plupart des musées normands lui consacrent d’importantes rétrospectives (Caen, Honfleur, Trouville, Coutances, Saint-Lô ou Condé-sur-Noireau) témoignant ainsi de sa place fondamentale dans l’histoire de l’art régional.
La baleine de Luc-sur-Mer
Le matin du 15 janvier 1885, un douanier découvre sur les rivages de la Côte de Nacre, à l’endroit dit la « Brèche du Moulin », une baleine de quarante tonnes et longue de dix-neuf mètres, qui s’était échouée pendant la nuit. La portion de plage, située entre les communes de Luc-sur-Mer et de Langrune-sur-Mer, attire durant plusieurs jours des milliers de visiteurs qui arrivent des villages avoisinants mais également depuis Caen, en train, pour voir le gigantesque cétacé. Quelques photographes professionnels et amateurs font également le déplacement et fixent pour la postérité l’impressionnante dépouille de la baleine. Au bout de quelques jours, le cadavre de l’animal qui commence à se décomposer dégage des effluves pestilentiels. L’odeur n’empêche pas certains visiteurs de s’approcher au plus près pour prélever un morceau de la bête en guise de souvenir macabre. La mairie se doit alors d’agir rapidement et fait appel au professeur Yves Delage de la Faculté des Sciences de Caen qui dirige depuis 1883 la station zoologique de Luc-sur-Mer. Il est chargé de déplacer l’animal pour l’étudier et si possible le préserver. Les premiers constats des scientifiques déterminent que la baleine est un rorqual commun, mort des suites de ses blessures après avoir percuté un navire. L’animal est alors dépecé en prenant soin de récupérer tout ce qui peut être utile, notamment la graisse pour fabriquer des savons. Une fois dégagé, le squelette est préservé puis transporté à Caen pour être étudié. Exposé dans différents lieux de la ville dont l’église Saint-Sauveur de Caen, il ne revient à Luc-sur-Mer qu’en 1937 pour être installé sous un abri construit à cet effet dans le parc municipal. La baleine est depuis devenue l’emblème de la ville. Artiste parisien né à Poitiers, Fernand Fau est chargé par la maison d’édition Quantin d’illustrer la découverte de la baleine. À l’époque, les clichés pris par les photographes circulent déjà et sont même édités en carte postale. Le dessinateur, qui n’a probablement pas fait le voyage jusqu’en Normandie, choisit alors l’image la plus marquante à sa disposition : la baleine y est étendue sur la plage entourée par plusieurs centaines de badauds. Vue de dos, sa queue immense s’étale au premier plan. Quelques maisons de bord de mer surplombent la scène. Fernand Fau choisit d’élargir l’angle de vue de la photographie et de cintrer la partie supérieure de la composition. Travaillé à part sur une carte à gratter Gillot, l’animal est découpé puis collé sur la page. Assumant sa dette au photographe, l’artiste l’intègre sur la gauche avec son appareil. Son dessin sera publié en 1890 dans le livre de Constant de Tours intitulé « Vingt jours du Havre à Cherbourg ; Rouen – Basse-Seine, côtes Normandes » dont le sous-titre « 130 dessins d’après nature » peut paraître pour le moins mensonger.
Léon Barillot
Cet artiste lorrain s’installe à Paris en 1869 et devient l’élève de Léon Bonnat. Il devient très vite un peintre animalier de premier plan et peuple ses paysages de bovins qu’il ne cesse d’observer avec exactitude et de peindre avec beaucoup de réalisme. Peintre très honoré et multi récompensé de son temps, de nombreux musées conservent ses toiles. Il a parcouru toutes les côtes normandes de Veules les Roses à Carolles dans la Manche et a bien entendu planté son chevalet à Ouistreham. Il laisse une œuvre majeure, le Port de Ouistreham, achetée par l’État au Salon de 1888, et exposée aujourd’hui au musée de Cahors. Nous présentons ici le dessin préparatoire de ce tableau.
Louis-Agricol Montagné
Cet artiste avignonnais est un élève de Paul Saïn (1853-1908), son compatriote, qui a beaucoup aimé la Normandie et est devenu l’un des chantres du village de peintres de Saint-Céneri-le-Gérei. Même si l’essentiel de sa carrière se déroule en Provence, sur les bords du Rhône, Montagné qui dirigera l’École des Beaux-Arts d’Avignon et deviendra conservateur du musée de Villeneuve-les-Avignon, où il réside, aime voyager et découvre ainsi l’Ouest de la France. Il y produit un certain nombre d’œuvres comme cette vue charmante du Port de Courseulles-sur-Mer.
Louis Arbant
Élève de l’École des Beaux-Arts de Lyon, cet artiste né à Mâcon (Saône-et-Loire) expose au Salon entre 1849 et 1879. Il peint essentiellement des natures mortes et des paysages de la région parisienne où il s’est finalement établi.
Louis Bulot
Architecte de formation, Louis Bulot est un dessinateur-né qui nous lègue de très nombreuses et très précieuses études à la mine de plomb ou à l’aquarelle du Vieux-Caen de l’entre-deux-guerres, témoignages importants pour les historiens. Mais il est aussi un paysagiste talentueux qui multiplie les pochades réalisées sur le motif. Ses sujets de prédilection, à part Caen et le port, sont le canal animé des navires marchands jusqu’à la mer, des scènes de bords de mer ou des paysages champêtres. Ses œuvres ajoutées à celles peintes après le Débarquement sont autant de témoignages précieux pour les historiens que « la révélation d’un vrai tempérament » (Arthur Marye, dans le journal local, le Bonhomme Normand). Lié très tôt au mouvement artistique local, c’est Bulot qui prend l’initiative, en 1926, de créer l’Association des Artistes Bas-Normands, société dont il occupa les postes de secrétaire général, puis de vice-président jusqu’en 1976.
Louis-Édouard Garrido
Fils d’Eduardo-Leon Garrido, peintre d’origine espagnole reconnu, Louis-Édouard est d’abord l’élève de son père avant de fréquenter, à l’École des Beaux-Arts de Paris, les ateliers de François Flameng (1856-1923) et de Gabriel Ferrier (1847-1914). Après la Grande Guerre à laquelle il participe, Garrido est nommé professeur de dessin au lycée Malherbe de Caen. Il y fait toute sa carrière et devient l’un des acteurs majeurs de l’activité culturelle caennaise. Membre fondateur de l’Association des Artistes Bas-Normands, en 1926 -il sera le Président de la société de 1936 à 1968, Garrido dirigera également le musée municipal et l’école des Beaux-Arts de la ville durant de longues années. Portraitiste très talentueux, il est aussi un peintre de natures mortes devenues recherchées par les amateurs de son art, ainsi que le chantre de la campagne normande : ses troupeaux de vaches sous les pommiers en fleurs sont également dignes d’intérêt.
Mais ce sont indéniablement ses marines peintes sur les quais des ports de Ouistreham Riva-Bella, de Courseulles-sur-Mer ou de Saint-Vaast-la-Hougue qui font son succès. Subjugué par les ciels et les paysages normands qu’il trouve chargés de poésie, Garrido travaille en une touche vive, des couleurs contrastées, et laisse une œuvre puissante et sans artifices. Les portraits de sa femme Odette en 1922 sur la plage de Luc-sur-Mer sont d’une réelle beauté.
Louis Valtat
Fils d’un petit armateur, Louis Valtat naît à Dieppe, le 8 août 1869. Dès que se manifeste son penchant pour l’art, il est encouragé par son père, peintre amateur doué d’un talent certain qui exposera plus tard au Salon des Indépendants dans la même salle que son fils. Élève à l’École des Beaux-Arts de Paris, il est cependant plus assidu à l’Académie Julian où ses condisciples s’appellent Bonnard, Vuillard ou d’Espagnat. Valtat y reçoit les cours du massier Paul Sérusier qui l’initie aux principes de Paul Gauguin. Ce grand voyageur traverse, en 1895-1896, l’Espagne et s’arrête à Banyuls. En amoureux de la Méditerranée, Valtat finit par s’installer dans le Var, à Anthéor où son père possède une propriété. De là, il rend visite à ses aînés, Renoir à Cagnes-sur-Mer, Cross à Saint-Clair et Signac à Saint-Tropez. À cette époque, il donne toute la mesure de son talent et suscite des alliances audacieuses de couleurs. Ses peintures adoptent alors des tons purs et violents étalés sur la toile de manière très spontanée. Ce qu’il crée à l’époque l’amène à être considéré aujourd’hui comme l’un des grands précurseurs du Fauvisme. Vers 1912-1913, il quitte le Midi et rejoint Paris, puis la vallée de Chevreuse. Mais le Normand qu’il est ne cesse de peindre sa province natale. Il plante ainsi son chevalet à Carteret, Rouen ou aux Andelys. Au début des années trente, et durant plusieurs étés, Valtat passe ses vacances à Ouistreham. Il laisse un nombre très important de toiles réalisées à cette époque: des vues du port ou du canal essentiellement.
Michel Girard
Né à Montluçon, Michel Girard, pour suivre les traces d’un aïeul, François-Marie Firmin-Girard (1838-1921) qui fut un artiste célèbre à la fin du 19e siècle, débute une carrière de peintre dès la fin des années cinquante. Après avoir fréquenté plusieurs académies (Charpentier, Julian) et l’École des Arts décoratifs, il s’installe d’abord à Montmartre puis en 1969, quitte Paris pour s’installer en Normandie et tenter d’y capter les lumières incomparables de cette région. Il pose d’abord son chevalet à Cabourg avant de s’implanter définitivement à Courseulles-sur-Mer. Peintre à la carrière internationale, il expose dans le monde entier.
Pierre Cavellat
Ce Breton pur souche est un véritable autodidacte. Après des études de droit durant lesquelles il s’essaie à la caricature en collaborant au journal de l’Association des étudiants rennais, Cavellat entre dans la magistrature. D’abord juge, puis président de tribunal, il est nommé en 1956 premier Président de cour d’appel, d’abord quelques mois à Besançon avant d’arriver à Caen en décembre de cette même année. Il y restera en poste jusqu’à sa retraite en 1969. Cet amateur d’art raffiné fréquente, dès sa création, la galerie Cadomus, animée par le jeune artiste caennais, Jacques Pasquier qu’il soutient assidûment et dont il devient l’ami. Pendant les douze années passées à Caen, le magistrat continue de cultiver son jardin secret et s’adonne à la peinture avec un vrai talent. Ses plages animées à Riva-Bella, à l’aquarelle ou à la peinture, témoignent d’un sens de l’observation remarquable et d’une technique très sûre. Retiré à Carantec, dans le Finistère, Cavellat continuera jusqu’à la fin de sa vie de décliner ce thème des plages qui fut pour lui une source d’inspiration intarissable.
Pierre-Edmond Péradon
Bien que né à Courseulles-sur-Mer, Péradon passe ses premières années hors de Normandie car son père, fonctionnaire, est successivement muté à Gap puis à Nevers. C’est d’abord dans cette ville qu’il est initié au dessin par l’artiste local, Fernand Chalandre (1879-1924). Il commence à participer à des expositions (Nevers, Blois, Paris) tout en suivant des études de droit qu’il abandonne rapidement pour se consacrer totalement à la peinture. Péradon revient dans sa région natale au cours des années trente et ne cesse alors de peindre durant cinquante ans sur tout support les paysages normands et notamment ceux du Bessin et de la côte.
Pierre-Émile Berthélémy
Après des études de dessin à l’école municipale de peinture de Rouen, Berthélémy entre ensuite, en 1838, à Paris, dans le célèbre atelier de Léon Cogniet. Mais les études académiques l’ennuient profondément et il ne s’inspire rapidement que de la nature. Il expose au Salon de 1846 et ses envois y sont réguliers jusqu’en 1890. Il y montre des marines de la côte normande, essentiellement des vues de Courseulles-sur-Mer ou de Bernières-sur-Mer où il possède une jolie villa, le Clos-Chantepie. Souvent récompensé, Berthélémy fait une belle carrière. Très appréciée en Angleterre notamment, son œuvre est, comme celle d’Eugène Isabey, son contemporain, très recherchée. Il grave alors bon nombre de planches pour Cadart, son marchand parisien qui diffuse ainsi plus largement son travail.
Pierre Letellier
Élève de Louis-Édouard Garrido au lycée Malherbe et à l’École des Beaux-Arts de Caen, Letellier gardera toute sa vie pour son vieux maître une amitié indéfectible. Après des débuts difficiles, il obtient en 1960, le prix Charles Pacquement, décerné par la société des Amis du musée d’Art Moderne de Paris. Il expose pour la première fois cette même année dans les galeries parisiennes. Puis débute, au milieu des années soixante, sa carrière internationale avec des expositions dans des galeries à Bruxelles, New-York ou Caracas et il y obtient les mêmes succès qu’en France. En 1972, le peintre expose au musée de la Chasse à Paris qui consacre à la fois l’artiste et le chasseur incomparable. Il quitte la France en 1974 et part s’installer, durant vingt années, en Suisse, sur les bords du lac Léman. Il continue de travailler intensément, illustre de nombreux ouvrages de grande bibliophilie et continue d’exposer partout dans le monde. A son retour en Normandie, Letellier est honoré à de multiples reprises jusqu’à l’exposition organisée par la ville de Caen, à la salle de l’Échiquier, quelques mois avant son décès. Ce peintre figuratif, l’un des plus appréciés des Normands, a peint avec talent toute sa vie sa région natale, aussi bien des marais que des ports, comme celui de Ouistreham.
Roland Lefranc
Né dans le Bessin, Roland Lefranc restera toute sa vie fidèle à sa région natale. À partir de 1947, il fréquente à Caen, l’École Normale pour devenir instituteur en même temps qu’il suit les cours de Louis-Édouard Garrido aux Beaux-Arts à Caen pour apprendre le dessin. Lefranc commence sa carrière de peintre en commençant par exposer au salon des Artistes Bas-Normands. Il se rapproche, à la fin des années cinquante, du plasticien caennais Jacques Pasquier et expose à plusieurs reprises dans la galerie de ce dernier, baptisée Cadomus, des œuvres déjà très remarquées alors par la presse régionale. Certains voient alors dans ses tableaux l’influence d’André Lemaître, un autre peintre régional, à cause de ses compositions bien architecturées comme dans ses ports de Courseulles-sur-Mer. Puis, Lefranc s’affranchit de cette manière de peindre et à travers des œuvres très colorées et très lumineuses dans lesquelles dominent bleus et jaunes, il travaille alors généreusement la matière (Bassin de plaisance à Ouistreham, Marée basse à Courseulles). Après avoir quitté l’enseignement et être devenu Peintre officiel de la Marine, l’artiste voyage à travers le monde, visite la Russie, la Chine et New-York. Il expose alors dans le monde entier et connaît un immense succès.
Sophie Dumont
Si elle a d’abord vécu à Paris, puis aux Antilles, en Espagne ou au Maroc, Sophie Dumont s’est installée à Langrune-sur-Mer où elle travaille désormais. Peintre figurative, elle s’intéresse particulièrement aux paysages, entre ciel et mer, car la lumière normande l’inspire mais aussi comme son mentor, Jacques Deschamps, aux livres et aux bibliothèques, aux intérieurs d’ateliers aussi.
Victor Tesnière
Arrivé à Caen en 1842 pour y faire son droit, Tesnière s’intéresse tôt à la peinture et à la gravure. Ce n’est que fort tard, dans les années 1860, qu’il commence à exposer, notamment des marines. De 1864 à 1868, l’artiste envoie une série d’œuvres à Paris pour le Salon. Ce sont toutes des vues de la Côte de Caen (Ouistreham, Lion-sur-Mer, Bernières-sur-Mer). En même temps, Victor Tesnière devient vice-président de la Société des Beaux-Arts de Caen pour laquelle il écrit de nombreux articles sur les peintres et la peinture en général. Peintre pré-impressionniste, ses tableaux et ses aquarelles racontant la vie balnéaire et portuaire de son époque, possèdent un charme inégalable, comme ces deux œuvres sur papier de la plage de Lion, dédicacées à son ami, Jules Boussaton, le célèbre commissaire-priseur de son époque.
Yvonne Guégan
À la fois femme et peintre, Yvonne Guégan connaît bien des difficultés pour s’imposer à Caen, à la fin des années trente. Au contact des jeunes artistes de l’École des Beaux-Arts de Paris, dans un monde qui bouge, elle apprend à maîtriser un langage nouveau. Elle tente ainsi de concilier la grille cubiste qui privilégie la structure de l’objet, et une palette lumineuse héritée des Fauves. De retour à Caen, juste avant la guerre, sa peinture déroute et même révolte un public et des artistes peu enclins à la modernité. Après le guerre, Guégan devient sans le vouloir l’icône, le chef de file d’une jeune génération de créateurs caennais qui souhaitent peindre autrement. C’est donc grâce à elle, grâce à cette personnalité hors du commun, grâce à cette femme libre et indépendante, que l’art à Caen change profondément. Elle comprend avec d’autres – et sait aussi transmettre cela à quelques-uns – qu’un monde nouveau doit s’exprimer avec un langage nouveau. Son œuvre, toute entière, est un hymne à la joie et à la lumière. Sa prédisposition à l’émerveillement va, durant trois-quarts de siècle, la tenir à l’affût des couleurs et des formes en constante métamorphose.